Biographie

Biographie


Léon Pourtau

Léon Pourtau est né le 23 novembre 1868 à Bordeaux, de Clément-Jean-Baptiste Pourtau, cordonnier, et de Valérie Lescure, sans emploi. La famille habite au 35 rue Boyer dans une petite maison typique de la région. Choyé par des parents attentionnés, l'enfant unique grandit dans un environnement propice à l'émergence d'un talent précoce. Bordeaux est une ville dynamique, et le travail ne manque pas pour son père, qui ne se contente pas d'apporter un certain confort à Léon, lui faisant découvrir très jeune un univers artistique qui diffère de son échoppe de cordonnier. En effet, le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux qui vient d'être récemment agrandi et qui est richement pourvu d'une collection de tableaux hollandais est situé à quelques centaines de mètres du domicile familial.

En 1881, Léon Pourtau entre en apprentissage dans une entreprise bordelaise de typographie. L'adolescent, d'un tempérament calme et enjoué, est un apprenti appliqué qui manifeste très tôt des aptitudes manuelles. Pour lui, manipuler les petits caractères de plomb, les placer aux endroits adéquats, est un jeu qui convient à son esprit mathématique. Mais bientôt, Léon, dont la nature est aussi portée vers l'art, va s'ennuyer ferme dans cette routine faite de presses et de casiers d'imprimeurs. À quatorze ans, il s'essaie au dessin et retient les leçons des grands Maîtres hollandais qu'il visite régulièrement au Musée de sa ville natale.

En 1884, âgé de quinze ans, il quitte sa maison, en accord avec les parents, et prend le train pour Paris, capitale des arts. Le 18 novembre 1884, il est admis comme élève dans la classe de clarinette du Conservatoire national de musique et de déclamation de la ville de Paris. En juin 1885, Léon Pourtau est absent pour l'examen de sa première année d'études musicales ; des obligations financières l'ont en effet conduit à travailler, mettant ainsi en sursis le cursus qu'il s'est fixé. Il maîtrise cependant assez le jeu de la clarinette pour assurer divers remplacements dans des orchestres de cafés-concerts, comme le café du Delta et participer à la tournée d'un cirque, où ses compétences musicales le disputent à son habileté manuelle, étant amené au sein de l'équipe à monter et démonter le chapiteau au gré des représentations. Le 12 novembre 1886, Léon Pourtau réintègre la classe de clarinette de M. Rose par décision du jury. Au conservatoire, il se lie d'amitié avec Louis Abbiate (1866-1933), premier prix de contrebasse et d'harmonie en 1886, et ami du peintre Louis Hayet (1864-1940), qui fera son portrait (Le violoncelliste à l'étude 1889). Les musiciens ont à cette époque l'habitude de se rencontrer lors de soirées organisées par Gabriel Fabre (1858-1921), pianiste réputé. Maximilien Luce (1858-1941) et Paul Signac (1863-1935) s'y joignent souvent, alimentant l'ambiance de leurs remarques artistiques. Signac et Hayet sont parfois amenés à décorer les partitions des musiciens, Léon Pourtau se joignant à eux. En 1887, il obtient le premier prix de clarinette au Conservatoire national de musique et de déclamation en jouant un concertino de Weber. Il est d'emblée recruté au sein de l'orchestre Colonne.

Accompagné de Lucien Pissarro (1863-1944) et de Louis Hayet, il suit des cours du soir dans une des écoles municipales de dessin et de sculpture de la ville de Paris située au 15 rue Bréguet, sous la direction de M. Vion, ancien élève de Léon Cogniet (1794-1880). L'enseignement y est des plus académique, aussi, les trois amis se mettent-ils en quête de modernité en fréquentant les cafés-théâtres des grands boulevards populaires afin d'immortaliser par le dessin la vie des noctambules parisiens. À cette époque, Léon Pourtau fait la connaissance de Georges Seurat, l'inventeur de la nouvelle technique du contraste simultané, il se rend souvent dans l'atelier du maître restant là à observer et à fumer des pipes.

Léon Pourtau est incorporé le 1 avril 1889 au 103e régiment d'infanterie à Paris où il est musicien à partir du 29 avril de la même année. Il est rendu à la vie civile le 1 avril 1890 avec un certificat de bonne conduite en main.

Durant l'été 1890, il est en Savoie, à Aix-les-Bains où, en compagnie d'Achille Vallad (dit William), un ami musicien, il poursuit une tournée de concerts. Là, il fait la connaissance de la sœur de son ami, Marie-Eulalie et le coup de foudre est au rendez-vous. Le mariage est célébré dans le 15e arrondissement de Paris le 23 octobre 1890. Les quatre témoins qui officialisent l'acte de mariage par leurs signatures sont des amis parisiens de Léon : Victor Barrucand, poète, âgé de 25 ans, Jules Verné, artiste musicien, âgé de 35 ans, Charles Hayet, artiste musicien, âgé de 24 ans, et Louis Hayet, artiste peintre, âgé de 26 ans.


Léon Pourtau à 18 ans Au premier plan : à droite Léon Pourtau et son chien Roco, à sa droite Mme Vallad, à ses pieds enfant inconnu. Au deuxième plan : à droite Marie-Eulalie Pourtau, à sa droite François Dorias.
Ville de Lyon. Livret officiel du Salon, 1895 Extrait du Journal de Guignol où la critique d’une œuvre de Pourtau a été publiée, 1895 Article du journal "Boston Evening" du 8 décembre 1898 relatant l'exposition posthume de Léon Pourtau Article du Journal "Boston Evening" du 15 décembre 1898 en mémoire de Léon Pourtau Catalogue de l'exposition posthume de Léon Pourtau, 7-16 décembre 1898, St. Botolph Club

Le 8 mai 1891, naît la petite Berthe Pourtau au domicile de ses parents; Léon Pourtau, âgé de 22 ans, artiste musicien, et Marie-Eulalie Vallad, 18 ans, employée de commerce, 13 rue Ravignan à Paris, dans le 18e arrondissement. Léon Pourtau, en père attentionné, passe beaucoup de temps au domicile familial de la rue Ravignan, s'occupant tendrement de Berthe, s'exerçant aussi à la peinture dans son atelier improvisé, mais, lorsqu'il doit se rendre au théâtre du Châtelet pour participer aux répétitions, de l'orchestre Colonne, les quelques kilomètres qu'il lui faut parcourir occasionnent de nombreux retards, qu'un chef de service pointilleux va lui reprocher de manière virulente. Il démissionne et accepte la proposition d'Alexandre Luigini (1850-1906), chef d'orchestre du théâtre de l'Opéra de Lyon, de devenir clarinette solo. La famille arrive à Lyon en septembre 1891 et s'installe au 8 impasse Dubois, à la Croix-Rousse. À l'Opéra de Lyon, Léon Pourtau fait la connaissance de Clovis Terraire (1858-1931) et de Théodore Lespinasse (1846-1918), qui partagent les mêmes obligations professionnelles et le même amour pour la peinture. S'il avait peu peint à Paris, se consacrant surtout au dessin, Léon Pourtau va libérer son talent à Lyon et dans ses environs, où il va chercher la vibrante lumière des bords de Saône. C'est aussi à cette époque qu'il se lie d'amitié avec François Dorias (1855-1936), facteur de profession et peintre amateur.

Si la musique a des vertus apaisantes pour beaucoup, il semble que pour Léon Pourtau, elle n'ait été tout juste qu'un gagne-pain. Lors de conversations avec son entourage, il lui arrive quelquefois de déclarer : « Mon dieu que c'est ennuyeux la musique. Une fois que l'on tient un morceau, on sent qu'on ne l'exécutera jamais mieux, il n'y a plus rien à chercher. » Dès lors, Léon va se consacrer à la peinture, arpentant à ses heures de loisirs les environs de Lyon avec Marie-Eulalie, et ses amis. La région est riche de paysages variés et sauvages, permettant aux artistes de libérer leurs sensations. Toutefois, l'art de Léon se distingue de celui de ses amis, Terraire et Lespinasse, ceux-ci restant plus conventionnels dans leurs représentations. Dorias est plus original dans son style, s'inspirant de la technique d'Adolphe Monticelli (1824-1886) et créant des œuvres très personnelles et originales. Léon fera sienne cette technique durant la commission de quelques peintures, utilisant une pâte épaisse qui fait prisonnière la lumière créant ainsi une atmosphère mélancolique. Mais bientôt, la lumière sera libérée, par le retour de sa maîtrise du contraste simultané, la pâte se faisant plus bariolée par la multitude des couleurs qu'il lui impose. L'école lyonnaise n'est pas touchée par la nouvelle technique que Seurat, le Parisien, a imposée au monde de l'art, et Léon Pourtau, par son style, va étonner ses camarades. Cependant, si la transposition de leur sensation n'est pas la même sur la toile, les paysages qu'ils visitent sont identiques, les bords de Saône, la région du Bugey et plus loin encore, Terraire invitant Pourtau à poser son chevalet dans les environs de Marseille et Pourtau proposant à Terraire de peindre le lac du Bourget, près d'Aix-les-Bains en Savoie.

Léon Pourtau va participer aux Salons lyonnais, organisés par la société lyonnaise des Beaux-Arts, en 1894, où il propose deux œuvres – Impressions d'automne, numéro 583, et Impressions d'air et de lumière, numéro 584 – et en 1895 où, sous le numéro 517, il va présenter le Portrait de Mlle Laure B. Il recevra dans la presse locale, ce commentaire : « Facture toute personnelle, imite à s'y méprendre le pastel, assez harmonieux. »

Léon et Marie-Eulalie déménagent pour aller s'installer à Sainte-Foy-Lès-Lyon, au 2 bis chemin de Fontalière, à quelques kilomètres de la cité Lyonnaise. Le musicien a été nommé par arrêté du maire en date du 3 juillet 1894 au jury du Conservatoire, il accepte cependant la proposition de Muller, un imprésario en quête de talent, de devenir clarinette solo pour le Boston Symphony Orchestra aux États-Unis d'Amérique. Le contrat garantit au couple Pourtau une vie des plus confortables, soit 60 000 francs pour trois ans avec un contrat renouvelable. Fin août 1894, Pourtau fait ses adieux à l'Opéra. Le 15 septembre, l'artiste musicien quitte Lyon pour Le Havre et embarque le 22 à bord du paquebot la Champagne ; cap sur New York. Après avoir été confirmé à son poste, Léon Pourtau est rejoint par son épouse et sa belle-mère, Madame Vallad, au milieu du mois d'octobre et la famille s'installe dans une agréable maison moderne au 5 Atherton Place à Roxbury, dans la proche banlieue de Boston. Léon s'intègre très aisément à l'orchestre, par sa sympathie et ses qualités musicales et il se lie d'amitié avec Charles Martin Loeffler (1861-1935), assistant du chef d'orchestre.

Au printemps 1895, Loeffler invite le couple Pourtau dans sa propriété de Medfield Village à une quarantaine de kilomètres de Boston, où une petite colonie d'artistes s'est installée. Léon tombe immédiatement sous le charme de ce village charmant et le couple s'y rend désormais tous les week-ends. Dans une lettre adressée le 4 juillet 1895 à son ami Dorias, Léon fait part de son engouement : « Un endroit ravissant, idéal pour un peintre, une rivière comme la Saône […] des bois, des montagnes, des plaines, des horizons merveilleux... », et, accompagnant sa description d'un petit croquis, il poursuit : « La petite rivière dont je t'ai parlé (Charles River) est remplie de motifs de ce genre, il n'y a qu'à regarder et peindre.

Dans une lettre à William son beau-frère, du 3 décembre 1895, Léon se réjouit d'avoir vendu un de ses tableaux à un « riche banquier ». Dans une correspondance adressée à Dorias le 10 juin 1897, Léon Pourtau fait état d'un article paru dans la presse de Boston en 1896 : « Musicien et peintre. Les Bostoniens qui fréquentent le Symphony concerto sont sans doute familiarisés avec la figure du clarinettiste solo Mr Pourtau, et savent quel musicien il est. Mais ils ignorent sans doute que ce jeune Français peint aussi bien. En France, il était un ami et élève du distingué impressionniste Pissarro, dont les ouvrages sont familiers à tous ceux qui visitent les galeries, et expositions dans cette contrée. Mr Pourtau est un amoureux de la nature, et a une tranquille maison d'été dans la jolie ville de Medfield, où il y a 25 ans, George Innes, le plus grand des paysagistes américains, eut une maison et atelier. L'été dernier Mr Pourtau a donné entièrement son temps à la peinture et les résultats peuvent être vus dans un groupe de tableaux dans les galeries de Williams et Everett. Chacun peut sans se tromper reconnaître dans ces peintures l'inspiration de l'artiste, et les théories, sur lesquelles il base son interprétation de la nature. Il est évident qu'il choisit ses couleurs et compose sa palette comme tous ceux qui suivent l'école impressionniste. Il use les mêmes tons purs, et a les mêmes théories de soleil, et d'ombres. Les résultats obtenus par lui sont beaucoup plus satisfaisants que ceux de nos paysagistes, suivant la même méthode. L'artiste commence évidemment à voir et penser par lui-même. Ses peintures ont une saveur locale et ses paysages sont certainement de style Nouvelle-Angleterre, un des plus intéressants que le groupe représente est un brillant jour d'été, l'herbe a été récemment coupée, les meules de foin sont dorées par un brillant soleil, le ciel bleu est plein de lumière, l'ombre des nuages tombe en plein sur le premier plan. C'est un morceau de simple nature interprété dans une tendre et sympathique façon, lequel est plein d'encouragement et de promesses. Accroché à coté est une peinture entièrement différente de nature. Le paysage est dans l'ombre, l'atmosphère est clair et froid [sic], de lourdes masses de nuages couvrent le ciel et annoncent l'orage. Une autre toile est l'impression d'un tendre coucher de soleil. Le ciel est délicat de ton, et de minces nuages pourpres aux bords dorés flottent près de l'horizon. Sur le paysage l'ombre descend. Ces peintures resteront une semaine, et sont dignes de l'attention de tous ceux qui s'intéressent à l'art. »

En août 1896 dans une lettre adressée à William, Léon écrit : « Comme je suis heureux de peindre toute la journée ! »

Après quatre ans de présence aux États-Unis, la famille Pourtau décide d'un séjour en France durant les vacances qui lui ont été accordées. Le paquebot de la Compagnie générale transatlantique, la Bourgogne, quitte New York le 2 juillet 1898, avec à son bord cinq cents passagers et deux cents membres d'équipage. M et Mme Pourtau, ainsi que Mme Vallad, se trouvent parmi eux. Le 4 juillet 1898, vers 5 heures du matin, le paquebot passe à 60 milles de l'île de Sable, à quelques encablures des côtes canadiennes, lorsqu'un choc brutal réveille les passagers. La Bourgogne vient d'éperonner un voilier qui vogue vers Philadelphie, le brouillard épais qui se répand sur la mer a masqué la venue du Cromartyshire, que les hommes de barre n'ont pu éviter. Plus de 500 personnes périssent dans le naufrage dont Marie-Eulalie, Léon et Mme Vallad.

Deux articles de presse, parus dans le Boston Evening des 8 et 15 décembre 1898, relatent l'exposition posthume consacrée au peintre naufragé. Les amis américains de Léon Pourtau ont en effet organisé dans la Galerie St Botolph Club, 2 Newbury Street, une rétrospective émouvante où les nombreuses œuvres de l'artiste suscitent un enthousiasme certain.

Cet article de presse confirme que pendant la fin de sa période américaine, Léon Pourtau s'est intensément consacré au dessin et à la peinture (cinquante-cinq œuvres) qui trouvent preneurs lors de cette exposition posthume.